29.3.05

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Rappel des épisodes précédents (épisode 4) : En France, pendant ce temps-là...

Dans l'ensemble les réactions sont d'abord lentes à venir. La presse relate l'annonce, le Point par exemple rassure ses lecteurs : "Les craintes de voir le numérique éclipser le livre ne sont pas avérées : lors de la dernière décennie, celle du boom d'Internet, le nombre de visites dans les bibliothèques a doublé dans le monde. Et jamais sur la planète autant de livres en papier n'ont été publiés".

Mais il faut attendre le 22 janvier pour que les médias s'y intéressent de plus près et avec plus d'exposition. Jean-Noël Jeanneney, ci-devant président de la Bibliothèque nationale de France, dans une tribune parue dans le Monde, fait part de ses "lourdes préoccupations". "Voici que s'affirme le risque d'une domination écrasante de l'Amérique dans la définition de l'idée que les prochaines générations se feront du monde" écrit-il en appelant à la contre-attaque de l'Europe, "décidée à n'être pas seulement un marché, mais un centre de culture rayonnante et d'influence politique sans pareille autour de la planète". Pour lui la vision de Google fait la part trop belle aux fonds anglo-saxons. Il reprend la parole quelques semaines plus tard pour préciser sa pensée...

Une position que pourraient sans doute partager les Indiens ou les Chinois comme le rappelle Jack Kessler de FYI France.

Dans son article, le président de la BNF parle des efforts déjà accomplis par la France pour la numérisation des ouvrages de ses bibliothèques, avec notamment les 80 000 ouvrages proposés par Gallica.

Gallica, justement, qui pour Hubert Guillaud, rédacteur-en-chef d'Internet Actu, "n'est pas un modèle d'indexation ouverte". Bref, selon lui, "nous ne manquons pas tant de moyens ou de grands projets, que d'une capacité (ou d'une volonté) de comprendre l'écologie du web. (...) Pour exister dans cet univers, il faut s'y ouvrir, rendre ses contenus accessibles, mais aussi repérables (par des machines comme par des humains) par la multitude des intermédiaires, des moteurs, des répertoires, des sites et autres blogs". Il ajoute : "L’édition numérique souffre surtout d’être incomprise dans ses enjeux, d’être délaissée tout le long de la chaîne du livre ou des médias. Le manque d’intérêt pour la technique, notre faible compréhension des nouvelles technologies et de leurs enjeux, notre allergie à l’anglais et aux langages informatiques, constituent les premiers facteurs de notre "retard".

Nombre de ceux qui ont visité Gallica font le même constat : voilà un site utile aux chercheurs certes, mais quasiment pas mis en valeur. Quant à la navigation, on est loin de la simplicité de consultation de Google. L'accessibilité n'est pas réservée qu'aux sites grand public.

Beaucoup de sites ont critiqués les solutions proposées par Jeanneney : le weblog BiblioAcid (l'article et les commentaires qui l'accompagnent) ou l'e-magazine Commentaires.com. Pour tous (même pour Jacques Attali), la réponse est "dérisoire".

Dans le Monde toujours, Xavier Polastron, auteur de Livres en feu, répondait à Jean-Noël Jeanneney que la France, au contraire, se devait de faire partie du projet de Google, l'organisation d'une réplique européenne prenant sans doute une "génération". Il faisait lui aussi part de son scepticisme quant à la réussite de Gallica et son mode image, "espèce de mesquinerie flaubertienne et policière qui vous interdit de travailler". Voir également son journal (qui me fait penser à un site web des années 95-96).

Mais comme le dit Hervé Le Crosnier, maître de conférences à l'Université de Caen et spécialiste du sujet, l'article de Jeanneny a eu "le mérite de démultiplier les réflexions concernant les projets de numérisation de documents, le rôle réel des bibliothèques, les stratégies d'exploitation de "l'effet réseau" par les entreprises de l'internet, la place des moteurs de recherche et la nature géopolitique du savoir."